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Evocation de la personnalité de Mme Santilli.
Parfois dans la vie on a la chance de rencontrer des personnes qui vous marquent. Je n'ai pas eu la chance de rencontrer dans ma vie mère Teresa, mais j’ai eu la chance de rencontrer, ici dans le deuxième, Madame Santilli. De la voir à l'œuvre et de discuter avec elle, ne laissait pas indifférent. Beaucoup de personnes présentes ici ce soir, peuvent dire exactement la même chose ; La rencontrer et parler avec elle émerveillait et pouvait même vous stimuler.
Que dire de Mme Santilli, que beaucoup parmi nous appelaient affectueusement Mémé ?
Mémé, madame Santilli était une personne simple, ordinaire mais quelqu'un avec une générosité extraordinaire. C'était ce qui émerveillait le plus chez elle ; cette générosité sans faille, ce souci des autres surtout de ceux pour qui la vie n’est pas facile.
Toute sa vie elle a montré ce grand cœur.
Elle a expliqué un jour la première période de sa vie en France, donc bien avant qu'elle a commencé d’être assistante maternelle avec les jeunes de la Ddass :
Je la cite : « nous étions jeunes et heureux ; mon mari avais une bonne situation comme ingénieur chez Berliet. Nous avions cinq enfants. Mais nous étions des immigrés venus d'Italie après la guerre. Nous nous souvenions des difficultés rencontrées pour nous faire admettre dans la société française. Nous étions des étrangers. Mon mari amenait souvent à la maison des jeunes en difficulté qu'il avait rencontré sur son lieu de travail ou ailleurs. C'étaient des étrangers qui arrivaient en France sans point de chute, ou des jeunes qui avaient fait une fugue, ou bien encore des personnes dans la misère. Ils venaient chez nous momentanément en attendant de pouvoir se remettre en route, puis il reprenait leur autonomie ».
Après le décès de son mari elle a voulu poursuivre ce qu'ils avaient commencé ensemble : avoir un foyer toujours accueillant. Elle aurait pu vivre dans le confort, refermé sur sa famille avec cinq enfants. Elle a choisi d'être assistante maternelle pour pouvoir aider des enfants et jeunes en difficulté. C'est ainsi après avoir déniché un grand appartement de plus de 300 m² rue Sala elle y a accueilli au début des années 70 : 7/ 10/12/ jusqu’à 18 enfants et jeunes en même temps dans ce foyer qu’elle appelait la casa c'est-à-dire « le centre d'accueil des sans affection ».
Mémé était une assistante maternelle vraiment spéciale et la Dass plaçait dans sa petite structure familiale surtout des enfants marqués par la vie. Comme elle a expliqué un jour : « les enfants de la Ddass ont un numéro sur le dos ; très souvent ils sont rejetés et il y a un phénomène d'incompréhension avec l'entourage. Si on dit : il est handicapé, il sera handicapé. Ils ont besoin de compliments, d'encouragement et d'amour. Ici on parle d'amour, on explique l'amour ; il faut qu'ils sachent qui sont aimés ».
Au 4 rue sala, dans son foyer une centaine d'enfants et de jeunes ont été hébergés et se sont nourris de son équilibre, de sa tendresse et de son esprit de famille.
C'était pour elle et sa famille un engagement exceptionnel de générosité. Beaucoup de personnes présents ici, savent ce que c'est de donner quelques heures par semaine comme bénévole. Pour elle c'était un engagement du matin au soir et de tous les jours et cela a duré plus de 30 ans.
Mémé, la Mama italienne dans le beau sens du terme, n'a jamais fait de statistiques sur les enfants et jeunes qui sont passés chez elle. Comme elle disait : « je ne compte pas le nombre d'assiettes de soupe que j'ai distribué ». C’était typique : Il avait toujours une place, une assiette de plus à table pour quelqu'un de passage ; Il avait même dans l'appartement de lits prévus pour ceux qui venait à l'improviste ou qui revenait la voir.
Bien sûr Mme Santilli a été aidée et entouré par des amis et des voisins. C'était un des caractéristiques de Mme Santilli : elle savait trouver de l'aide, elle savait vous motiver pour donner un coup de main. C'était comme ça, pour son foyer d'accueil, c'est aussi pour les différents structures et associations qu'elle a inspirées.
Son grand souci était : comment faire pour ces enfants qui grandissent ? que faire pour ces jeunes quand après leur 18 ans la Ddass ne le soutient plus et n'avaient pas la capacité ou n’étaient pas encore la capacité d’une pleine autonomie. Alors elle a inspiré et créé des associations :
- d’abord en 1981 la Casa, nom de l’association officielle qui géraient et mettaient à la disposition des jeunes des appartements ou à plusieurs y vivaient ensemble accompagné d’un éducateur et ainsi apprenaient doucement l'autonomie tout en travaillant normalement
- en 85 elle lance le VRAC, pour Vie, rencontre, animation et Culture : c’était un centre, pas un foyer résidentiel, pour occuper les jeunes pendant la journée.
-et en 1887 elle a lancé l’association « l'abri collectif » qui gérait le foyer pour jeunes adultes appelé « les trois boulots »à Vénissieux ; c’était un foyer occupationnel où les jeunes pouvaient travailler dans des ateliers sur place tout en restant, vivant sur place.
Ces différentes structures elle les a inspiré et créé pour les jeunes qui avaient des problèmes pour être complètement autonome après 18 ans.
Et tout en accueillant chez elle dans son foyer d’autres jeunes ou moins jeunes comme elle a fait jusqu’ à son départ de l’appartement pour une maison de retraite. Mais elle ne s’est pas uniquement occupée de jeunes en difficulté.
Dans les années 80 : elle a commencé une distribution alimentaire pour le démunis du quartier. En 1984 quand la banque alimentaire a commencé un dépôt à Gerland, dès les débuts, elle y est allée en autobus accompagné d’un ou 2 jeunes de son foyer, pour aller chercher avec des sacs, l’alimentation pour les distribuer ensuite à ceux du quartier qui en avaient besoin. Cette distribution alimentaire elle l’a commencé dans son appartement. Comme elle disait « il faut bien que quelqu'un s'occupe de tous ces gens alors je fais dans la mesure de mes moyens »
Quand le va et viens de tous ces bénéficiaires a commencé à poser des problèmes dans la résidence, le département en 1991 a mis à sa disposition un local, au 24 rue Sala, ou depuis cette date cette distribution alimentaire continue toujours.
Avec l'aide des bénévoles du quartier, là aussi, elle a su se faire aider, pendant de très nombreuses années elle a animé et organisé cette distribution jusqu'au moment que sa santé ne permettait plus. Pendant des années elle était présente, toujours pour discuter avec les gens, les écouter et conseiller.
Alors qu'est-ce que sont devenues de ces différentes structures qu'elle a inspirées et commencé ?
-la casa a été absorbée et a fusionné avec par l'Oeuvre des villages d'enfants ;
-l'abri collectif a été absorbé à fusionner avec l'institution Adélaïde Perrin et aujourd'hui à Vénissieux l'ancienne maison de l'Abri collectif se nomme « le foyer Honorine Santilli »
-la distribution alimentaire aux démunis du quartier continue toujours mais depuis sept ans sous un nom différent CAD sous « l’association Mémé Santilli ». Nous avons choisis ce nom pour l’honorer mais surtout car elle a été l’inspiratrice et longtemps l’animatrice de cette distribution. Donc aujourd'hui encore une fois par semaine nous distribuons des colis alimentaires à une cinquantaine de familles du quartier. Cela est possible grâce à une bonne trentaine de bénévoles, la plupart également du quartier. A tour de rôle ils viennent les mardis pour prévoir l'approvisionnement auprès de la Banque Alimentaire ou le mercredi pour la distribution.
Comment conclure cette évocation de Mme Santilli ?
Comme le disait un jour le cardinal Barbarin : « quelle belle figure ».
Oui et j’ajoute : quelle belle figure, cette immigré italienne au grand cœur.
Mme Santali était une personne simple mais avec une générosité extraordinaire et avec des convictions profondes :
- elle avait une foi profonde dans la dignité de l'homme, de chaque homme ou chaque femme, également des handicapés de la vie ; elle avait une foi profonde dans le potentiel de l’homme, convaincu que chaque personne a la possibilité d’évoluer positivement si on l’encourage et entoure avec amour et compréhension.
-elle avait aussi une foi profonde en Dieu : l’espérance en Dieu providence était l'inspiration de sa vie et de sa de générosité persévérante. Sa force tranquille venait de sa foi chrétienne.
Mémé, Madame Santilli était une personnalité qui a fait énormément de bien autour d'elle, sans faire beaucoup de bruit. Et elle nous a fait grandir.
Marinus Rooijackers, président de l’association « Mémé Santilli » 2 Mai 2012. |
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